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Charles Mouly présente Georges Vaur
Un champion du rire de la lignée des plus grands
C'est en 1949 que j'ai connu Georges Vaur. Il n'avait pas encore atteint la trentaine. Pour ma part, je venais de la dépasser depuis quelques mois. Il y avait à peine trois ans qu'il était monté pour la première fois sur scène. Mais dès les premiers contacts avec le public, s'était révélé son réel talent. Ce talent, je le découvris, avec bien d'autres, au fil des épreuves du concours organisé par le café Paul. Concours qui allait le consacrer champion du rire avec un premier prix brillamment remporté.
Un talent original
Je fus tout de suite conquis par ce talent et convaincu qu'il ne tarderait pas à faire de lui une vedette. Georges Vaur est en effet un artiste d'une espère rare : il est de ceux dont le talent s’impose spontanément parce qu'ils ont un don inné du comique. C'est-à-dire une « force comique » qui émane de toute leur personne et qui s'exprime tout naturellement, sans effort, déchaînant le rire dès qu’ils paraissent sur scène.
En outre, son talent peut être qualifié d’exceptionnel non seulement en raison de ce don très rare, mais aussi parce qu’il est profondément original. Georges Vaur ne ressemble à aucun autre comique. Il s’est bien gardé d'imiter personne. Il ne doit rien aux modes importées, de Paris et d' ailleurs, par la radio, la télé et autres médias. On peut même dire qu’il est plutôt à contre-courant — et l’en féliciter — dans la mesure où il a toujours évité les grossièretés de langage qui sont tellement en vogue à l'heure actuelle. Par son accent, par sa verve et par toute sa nature, il s'inscrit, avec sa personnalité propre, dans une tradition de rire bien méridional. Sur ces divers points, nous nous trouvions d’emblée sur la même longueur d' onde. Ce qui acheva de me convaincre que nous étions faits pour travailler ensemble.
Rencontre avec Dominique
Ce projet d’association auteur-interprète prit corps quelques années plus tard, lorsque je demandai à Georges Vaur de participer aux émissions de Catinou, aux côtés de Dominique. De cette rencontre de deux artistes hors du commun naquit tout de suite une solide amitié.
Dès lors, la naissance de Piroulet était dans l’air. Et c’est effectivement quelques mois plus tard, lorsque fut mise en répétition la première pièce spécialement écrite pour lui, que prit vie ce personnage imaginé pour qu'il colle au plus près avec la personnalité même de Georges Vaur.
Pourquoi « Piroulet » ?
Mais pourquoi ce nom de « Piroulet », qui vient de l’occitan et qui sert à désigner une personne au comportement fantaisiste ? Le moment venu de baptiser le héros de cette première pièce — dont j’envisageais de faire par la suite la vedette d'une émission de radio — j’hésitai. Il fallait lui donner un nom « bien de chez nous » par sa consonance, et j’aurais pu aussi bien le baptiser « Rascalou » ou « Coucaril ». Mais toujours attaché à la tradition, je donnai la préférence à « Piroulet », nom popularisé dans les années « 20 », par une chronique signée de Marius Bergé, publiée dans la revue illustrée « Le Cri de Toulouse » : chronique qui, durant maintes années, avait fait la joie des Toulousains. Le tempérament comique de Georges Vaur s'inscrivant dans le droit fil de cette même verve toulousaine et d'une forme de rire bien propre à notre région, je pensai qu’il était bon de souligner cette tradition.
Ainsi Georges devint-il « Piroulet », s'identifiant pleinement à ce personnage qu'il devait rendre populaire dans tout le Midi avec plus d'un millier de représentations données dans une douzaine de départements, et aussi avec quelque cinq cents émissions publiques qui démarrèrent sous le titre de « 0 moun païs ».
Parmi les plus grands
Depuis, l'activité de Georges Vaur n'a pas cessé d’avoir des prolongements heureux, et sa popularité n’a pas cessé de grandir. Tout en restant, pour tous et partout, « Piroulet », il a su ne pas être prisonnier de ce personnage. En plus de plusieurs disques qui ont connu un vif succès, il a participé à trente-cinq films tournés pour la télévision et le cinéma, sous la direction de metteurs en scène et aux côtés de comédiens de premier plan. Et il ne compte plus les galas pour lesquels il s'est trouvé à l'affiche avec les plus grandes stars de la chanson.
Ce succès est l'éclatante et logique confirmation de son talent. Comme c'était le cas pour Dominique, il est certain que Georges avait l'étoffe nécessaire pour devenir une vedette de notoriété nationale. Mais pour cela, il eut fallu quitter Toulouse, aller courir sa chance à Paris. Fidèlement attaché à sa ville et à son public régional, il a lui aussi préféré rester parmi nous. Le public français y a peut-être perdu un nouveau Bourvil et c'est assurément dommage. Le public méridional y a gagné de garder un jovial compagnon qui, en cinquante ans de rire, a apporté joie et délassement à des millions d’auditeurs, parfois dans les plus petits villages, pour divertir un public généralement délaissé.
Une belle performance
On ne peut que le féliciter d'avoir opté pour cette tâche à laquelle il se consacre avec tout son talent mais aussi avec son incomparable gentillesse. Une tâche qui, pour être discrète en regard des habituelles manifestations tapageuses du show-business, n'en comporte pas moins, par son utilité et sa modestie même, un incontestable mérite voire une certaine grandeur. Apporter du rire à tout un pays pendant cinquante ans, est-il plus enviable performance ?
Pour ma part, je tiens pour un insigne privilège d'avoir été associé — avec Dominique-Catinou, puis avec Georges Vaur- « Piroulet » — à la réussite de deux entreprises de théâtre populaire étroitement apparentées, qui n’ont pas d'équivalent dans les annales de notre Midi.
Comme ce fut le cas avec Dominique, ce fut pour moi une chance de rencontrer Georges Vaur, et ce fut une joie de travailler pour lui et avec lui. Et son amitié est un des grands bonheurs de ma vie.
Charles MOULY, Sacré Piroulet, 1996.